scenographies

Breathing Walls

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...k(') su’ psrte i s(')’ pare i kò’ taj u¶ doj¶ mù’ duz~ò’ dule, 2002

“Breathing Walls” est un dispositif scénographique imaginé par Nadia Lauro pour la pièce chorégraphique …k(‘) su’ psrte i s(‘)’ pare i kò’ taj u¶ doj¶ mù’ duz~ò’ dule de Vera Mantero.

“Breathing Walls” est salle d’attente pour super héros fatigués, une architecture vivante constituée de murs qui respirent.
La respiration de l’espace est proche de celle des performers et des spectateurs, elle génère un trouble perceptif, un état d’alerte.

Nadia Lauro – Breathing Walls - Breathing Walls 2002
Nadia Lauro – Breathing Walls - Breathing Walls 2002
Nadia Lauro – Breathing Walls - Breathing Walls 2002
Nadia Lauro – Breathing Walls - Breathing Walls 2002
Nadia Lauro – Breathing Walls - Breathing Walls 2002

Credits ...k(') su’ psrte i s(')’ pare i kò’ taj u¶ doj¶ mù’ duz~ò’ dule

direction artistique  Vera Mantero

conception visuelle/installation  Nadia Lauro

lumières  Jean-Michel Le Lez

musique  Nuno Rebelo

interprétation et co-création  Paulo Castro ,Carlos Pez Gonzalez,Sabina Holzer,Vera Mantero, João Samões, Jo Stone

 

création : Centro Cultural de Bélem, Danças na Cidade, Lisbonne 2002

production : O Rumo do Fumo
co-production : Montpellier Danse 2002, Danças na Cidade à Lisbonne, Lugar Comum à Lisbonne, CAPa/DeVIR à Faro
avec le soutien de : AFAA – Ministère des Affaires Etrangères, Ministère de la Culture – GRI au Portugal
Théâtre National São Carlos à Lisbonne, Bazar do Vídeo à Lisbonne

 


Une scénographie est un espace en manque. Dans K(‘ )SU’ PSRTE I S(‘)’ PARE I KO’ TAJU¶ MU’ DUZ˜O’ DULE de Vera Mantero l’espace que je qualifiais, nommais – car je nomme toujours les espaces, au bout d’un moment ils trouvent un nom singulier -, était une « sorte de salle d’attente pour supers héros fatigués ». Tous les performeurs étaient dans des costumes de superman noirs et blancs avec le logo flouté. Le dispositif était une sorte de labyrinthe, un environnement fait de murs gonflables, verts, un peu translucides qui avaient la particularité de respirer. C’était des murs respirants. Ils étaient reliés à des séquenceurs qui les gonflaient et les dégonflaient, et j’avais calé ce mouvement sur un rythme respiratoire. On était dans un rapport frontal et je souhaitais impliquer le public dans un mode de regard particulier qui le déchargerait un peu de ses attentes en rentrant, un regard paradoxal, à la fois immersif mais à distance. En entrant, les gens ne voyaient pas les murs bouger. Au mieux, ils s’en rendaient compte au bout d’un moment, au pire, ils ne les voyaient pas, mais malgré tout, ils sentaient que quelque chose n’allait pas. La nature mobile de l’espace ainsi rythmé génèrait une forme d’hyper acuité. L’espace est alors en mesure de créer les conditions du regard, alimente, soutient le propos, sans être au centre des regards, il propose simplement dans ce cas des vitesses parallèles de fonctionnement.
Isabelle Launay. Extrait. Enquêtes scénographiques – Entretien avec Nadia Lauro en dialogue avec Isabelle Launay. Janvier 2015

Parce que le titre de la dernière pièce de Vera Mantero est en phonétique, il convient de le prononcer, d’en faire l’exercice, essuyer des échecs, se reprendre et déchiffrer. Le titre n’est pas une énigme interdite devant laquelle on devrait plier, mais une pratique de la langue qui déforme le visage appliqué à trouver les sons quand on ne voit que des signes. Titrer en phonétique pour voir passer sur le visage grimaçant de ses spectateurs ce qui est à l’œuvre dans la pièce : non pas le renoncement dépressif, mais la quête et l’irruption de la vie. Et c’est déjà là que commence la pièce.
Soit une équipe de six performers, vêtus de costumes de Superman, mais décolorés, noir et blanc fanés un peu lâches, et chaussés de trucs sportifs, quelques-uns fendus en forme de sabots de chèvre pour qui voudrait se rappeler qu’en 1996, Vera se tenait debout, nue peinte en noir, juchée sur des sabots de chèvre. Voilà la matrice de cette nouvelle pièce : le solo de 96, Uma misteriosa Coisa disse e.e. cummings en hommage à Joséphine Baker, où Vera sur demi-pointes caprines préfigurait en créature du bizarre les Supermen. Si elle ne bougeait que les bras, ployait à peine son cou menacé de s’effondrer sous le poids de la tête, si elle égrenait une longue litanie répétant que c’était « atroce », qu’il y avait « une impossibilité, une chute, un abyme », revenait sur « un aveuglement, une non-vision, une chute, un abyme, une absence, une impossibilité, une tristesse, un chagrin, atroce, atroce », la chorégraphe finissait par lâcher un ultime « une joie ». Aucune défaite dans ce corps au bord de la paralysie, pas plus que les supermen délavés ne sont la métaphore de corps anciennement glorieux, ni l’occasion de gloser sur un état du corps contemporain, forcément dépressif, ruiné, sur la mort de la danse… bla bla bla.
Solo emblématique de la posture au monde de Vera Mantero, uma misteriosa Coisa disse e.e. cummings dramatisait la tension qu’entretient la chorégraphe avec son art et la vie : bien sûr que c’est « Atroce », qu’il convient de le répéter et de ne dire que ça. Y-a-t-il autre chose à dire devant la catastrophe ? Mais aussi quelle « joie » de se révéler dans cet état ! Non pas un coup de théâtre ou happy end, mais le prolongement de tout ce qui avait été énoncé et répété sur le mode négatif, une posture supplémentaire qui dans la juxtaposition de négations et privations révélait sa tournure apocalyptique : ruine et révélation, et par contamination celle de toute son œuvre.
Maintenant, la dernière pièce peut commencer, avec ses supermen presque immobilisés, en équilibres foireux, perdus en demi-pointes casse gueule devant le mur de matelas pneumatiques bronze élevé par la scénographe Nadia Lauro. Que raconte ce mur mou ? qu’il respire le mal de mer, inspire/expire, alimenté par une soufflerie. Mais encore ? Qu’il est moins un mur qu’un organisme dont on mesure la vulnérabilité : une épingle et tout explose. À l’instar des corps qui, mobilisés dans leur attente, laissent parfois échapper des cris, des gestes fulgurants ; et ce sont des irruptions d’allemand, des débordements de danse, mais jamais rien qui n’explose. Parce que la tension est au maximum, que l’énergie est exaspérée, les corps sont contenus dans une quasi-immobilité : des « êtres ici trop pleins » pourrait-on avancer en paraphrasant le titre de l’avant-dernière pièce.
Quasi-immobilité ne signifie pas pour autant métaphore d’un échec, ce n’est pas l’histoire de l’énième et convenu renoncement à la danse, mais la preuve respiratoire de la plus extrême tension. C’est ce que n’arrête pas de dire le dernier superman resté sur scène, même si on ne le comprend pas, doublement embarrassé de troubles de locution et de sa langue étrangère. Son agitation parle pour lui ; est-ce de sa faute si nous ne savons pas lire la phonétique des corps ?

Laurent Goumarre.Les 6 danseurs de l’Apocalypse. 2002

Credits ...k(') su’ psrte i s(')’ pare i kò’ taj u¶ doj¶ mù’ duz~ò’ dule

direction artistique  Vera Mantero

conception visuelle/installation  Nadia Lauro

lumières  Jean-Michel Le Lez

musique  Nuno Rebelo

interprétation et co-création  Paulo Castro ,Carlos Pez Gonzalez,Sabina Holzer,Vera Mantero, João Samões, Jo Stone

 

création : Centro Cultural de Bélem, Danças na Cidade, Lisbonne 2002

production : O Rumo do Fumo
co-production : Montpellier Danse 2002, Danças na Cidade à Lisbonne, Lugar Comum à Lisbonne, CAPa/DeVIR à Faro
avec le soutien de : AFAA – Ministère des Affaires Etrangères, Ministère de la Culture – GRI au Portugal
Théâtre National São Carlos à Lisbonne, Bazar do Vídeo à Lisbonne