scenographies

Paper Room

in
_jeanne_dark_, 2020

“Paper Room” est un dispositif scénographique crée par Nadia lauro pour la pièce _jeanne_dark_ de Marion Siéfert.

C’est un trypique constitué d’une chambre de papier encadrée par 2 écrans.

“Paper Room” est un espace mentale, abstrait, oscillant entre la sur-ex- position d’un studio photo et la protection fragile d’une boite géante en papier.
Un coin est enfoncé, retourné tel un pliage origamique, une menace extérieure. C’est un espace panoramique dont la perspective en « porte-voix » est largement amplifiée.

 

“Paper Room” is a scenography created by Nadia lauro for Marion Siéfert’s piece _jeanne_dark_ .

It is a trypic consisting of a paper space framed by 2 screens.

“Paper Room” is a mental, abstract room, oscillating between the overexposure of a photo studio and the fragile protection of a giant paper box.
A corner is pushed in, turned over like an origamic folding, an external threat.It is a panoramic space whose “megaphone” perspective is greatly amplified.

 

 

 

Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020
Nadia Lauro – Paper Room - Paper Room 2020

Credits _jeanne_dark_

conception, texte et mise en scène  Marion Siéfert

collaboration artistique, chorégraphie et performance  Helena de Laurens

collaboration artistique  Matthieu Bareyre

conception scénographie  Nadia Lauro

lumière  Manon Lauriol

son  Johannes Van Bebber

vidéo  Antoine Briot

costumes  Valentine Solé

maquillage  Pauline Pellegri

régie Générale  Chloé Bouju

réalisation scénographie : Ateliers Nanterre-Amandiers : Marie Maresca, Ivan Assaël, Jérôme Chrétien

développement et accompagnement de Ziferte Productions Cécile Jeanson, Bureau Formart

photo  Nadia Lauro, Matthieu Bareyre

 

création Théatre de la Commune Aubervilliers – Festival d’Automne à Paris, 2020

 

production Ziferte Productions et La Commune – CDN d’Aubervilliers
coproduction Théâtre Olympia – Centre Dramatique National de Tours, Théâtre National de Bretagne – Rennes, La Rose des vents – scène nationale de Villeneuve d’Ascq, Festival d’Automne à Paris, CNDC Angers, L’Empreinte – scène nationale Brive-Tulle, Centre Dramatique National d’Orléans, TANDEM-scène nationale Arras-Douai, Le Maillon-Strasbourg, Vooruit-Gand, Théâtre Sorano – Toulouse
avec le soutien de POROSUS, Fonds de dotation
accueil en résidence T2G-CDN de Gennevilliers, La Ménagerie de verre dans le cadre du Studiolab
Marion Siéfert est artiste associée à La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers, et accueillie pour ce projet au Théâtre Nouvelle Génération-CDN de Lyon dans le cadre du Vivier, dispositif de soutien à la recherche scénique et à l’émergence artistique.


_jeanne_dark_, c’est le pseudo Instagram que s’est choisi Jeanne, une adolescente de seize ans issue d’une famille catholique, qui vit dans une banlieue pavillonnaire d’Orléans. Depuis quelques mois, elle subit les railleries de ses camarades sur sa virginité. Un soir, alors qu’elle est seule dans sa chambre, elle décide de ne plus se taire et prend la parole en direct sur Instagram.
Avec cette pièce, Marion Siéfert crée un double-spectacle : pour le théâtre et pour Instagram. Face au miroir que lui tend son smartphone, Jeanne sort de son silence, s’expose, se raconte et reprend le contrôle sur son image. Très vite, sa prise de parole d’abord timide et honteuse se transforme en un récit effréné, dans lequel elle se met en scène, recrée des situations vécues et joue tour à tour les personnes qui composent son monde. Sous les yeux de ses followers, Jeanne se filme, se regarde, s’invente, s’expérimente et se délire. Au fil de cette valse de personnages, de masques et de filtres Instagram, c’est une autre Jeanne qui prend forme sous nos yeux, une Jeanne qui donne libre cours à ses fantasmes, une adolescente qui, enfermée dans sa chambre, fait voler son identité en éclats et se métamorphose. Cette performance virtuose est portée par Helena de Laurens, avec laquelle Marion Siéfert avait déjà collaboré dans Le Grand Sommeil, présenté au Festival en 2018. Sur scène, dans une scénographie conçue par Nadia Lauro, c’est elle qui réalise en direct le film de cette adolescente, projeté sur deux écrans qui encadrent la scène. À la fois filmeuse et filmée, elle crée avec la caméra du téléphone un corps hors-normes, iconique et fantastique, et fait pleinement exister ce personnage plein de bruit et de fureur.

 

« Une parole longtemps contenue qui enfi n jaillit » Entretien avec Marion Siéfert

Pourquoi _jeanne_dark_ et pas Jeanne d’Arc ?

Le titre de la pièce, _jeanne_dark_, est le pseudo du compte Instagram de notre héroïne, Jeanne. C’est un compte qui existe et sur lequel on pourra suivre tous les soirs le spectacle, en live. En commençant cette pièce, je savais que je voulais me servir de la fi gure de Jeanne d’Arc comme d’un révélateur. Il y avait déjà des choses qui me marquaient : son rapport ambivalent à la violence, aux hommes, à Dieu, la prison, sa virginité. Plus j’avançais, plus je sentais qu’elle faisait écho à unepériode de ma vie très précise dont j’avais honte : mon adolescence à Orléans, et mon éducation catholique. J’ai vite compris que c’était là-dessus qu’il fallait travailler, que Jeanne d’Arc ne m’avait pas attirée par hasard. J’ai donc commencé à construire le personnage de Jeanne, inspirée de l’adolescente que j’étais. Je ne voulais pas écrire un récit rétrospectif, situé dans les années 2000. Je voulais que nous soyons plongés au milieu de la crise que traverse Jeanne. Le live Instagram est parfait pour ça : il me permet de créer ce temps ramassé et cette intensité d’une parole longtemps contenue qui enfin jaillit.

Que reste-t-il de votre adolescence dans ce spectacle?

J’ai gardé le souvenir très précis de la peur qui m’habitait : celle de rester vierge toute ma vie, sans l’avoir choisi. C’était un ensemble très confus de tabous, d’ignorance, d’une vision réduite de la sexualité, d’une perception de mon propre corps assez rudimentaire et de morale. En plus des diffi cultés que rencontrent la plupart des adolescentes lorsqu’elles commencent à vouloir vivre leur sexualité, s’ajoutaient chez moi les interdits de la religion catholique. En relisant les carnets que j’écrivais, je me suis aperçue combien mon intimité avait été « colonisée » par la religion, si bien que je n’avais pas d’autre schème d’interprétation de moi-même. Je n’ai pas cherché à retranscrire fidèlement mon adolescence. J’ai voulu rendre sensibles les impressions qui m’habitent lorsque je me replonge aujourd’hui dans cette période de ma vie.

 

Vous avez déjà fait un solo avec Helena de Laurens, Le Grand Sommeil, en 2018. Qu’est-ce qu’Instagram est venu modifi er dans votre façon de travailler ?

Tout. Helena est constamment face à son téléphone,cela veut dire qu’elle joue face à sa propre image, uneimage déformée, rapprochée, mouvante. Je savais qu’elle allait savoir jouer des cadrages, des angles de vue inédit sur son corps que lui permet la caméra du téléphone. Pour cette pièce, nous travaillons toujours sur deux niveaux : celui de la scène de théâtre et celui d’Instagram. Je veux que les spectateurs puissent expérimenter au théâtre cette présence particulière, de quelqu’un absorbé dans sa propre image. Et inversement, que les spectateurs d’Instagram vivent
un type de spectacle à ma connaissance inédit : une continuité d’une heure et trente minutes en direct, conçue spécialement pour ce réseau. Par ce biais, notre personnage, Jeanne, parle aussi à sa génération. C’est une adolescente qui souff re de ne pas être dans la norme et de ne pas avoir choisi sa diff érence, et c’est sur Instagram qu’elle parvient enfi n à s’exprimer. Je pense que le spectacle parle aussi de cela : de la nécessité, au moment de l’adolescence, de passer par les moyens communs à tous pour se singulariser.

L’écriture de la pièce a été longue et a connu de nombreux revirements et ajustements. Comment avez-vous construit le personnage de Jeanne ?

Il faut du temps pour trouver le bon récit, les bons points de bascule, pour écrire un personnage qui vive réellement. Mais je me souviens qu’au départ, j’avais en tête un personnage duplice, avec un visage socia-lement acceptable et une facette maléfi que, un peu comme Dr. Jekyll et Mr Hyde, Eminem et Slim Shady ou la Carrie de De Palma. Je sentais que la matière que je manipulais avait ce potentiel. Je voulais in-tensifi er la violence du personnage et trouver le bon endroit où le faire. J’étais attirée aussi par tout ce que je pouvais lire sur les fi ls Twitter des adolescentes, qui fonctionnent chez certaines comme un journal ou une chronique quotidienne de leurs impressions, désirs et ressentis. J’ai également discuté longuement avec plusieurs lycéennes en tête-à-tête. C’était important pour moi de comprendre où elles se situaient, pour positionner ensuite mon personnage.

Dans vos précédentes pièces, vous utilisiez comme décor les éléments que vous off rait l’espace du théâtre. Comment avez-vous travaillé avec la scénographe Nadia Lauro ?

J’ai senti que j’avais besoin d’une scénographie qui serve de vrai contrepoint à l’espace de la vidéo. Nadia Lauro a imaginé la chambre de Jeanne, une chambre panoramique, à la perspective accentuée, dont les parois sont en papier. Elle avait l’intuition qu’il fallait exposer encore plus Jeanne que ce qu’elle faisait déjà sur Instagram et concevoir un espace sans ombre, avec une lumière unie, totalement adapté au médium avec lequel on travaille. D’emblée, elle a décelé dans les bribes de texte que je lui envoyais une dimension fantastique, un potentiel de fi lm d’horreur. Nous avons réfléchi ensemble à comment venir abîmer cette boîte, faire sentir aux spectateurs que des forces extérieures s’exerçaient sur elle et cherchaient à faire intrusion dans l’intimité de Jeanne.

La scénographie rappelle les triptyques. Votre Jeanne est-elle une sainte ?

Oui, mais seulement à la condition de ne pas exclure deux choses de la sainteté : la violence et le corps. Un saint n’est pas toujours quelqu’un de doux ou de mesuré. Jésus a chassé les marchands du temple à coups de fouet, Saint-Paul persécutait les chrétiens avant de se convertir, Jeanne d’Arc a mené des batailles. Quant au corps, Instagram ne fait que prolonger le rapport totalement obsessionnel que le catholicisme entretient à l’image : dans les peintures religieuses, comme sur Instagram, il faut éveiller le désir sans jamais montrer un téton ou un sexe. Il faut respecter des interdits et des règles de pudeur tout en amenant le spectateur à adorer l’image et ce qu’elle représente.

Propos recueillis par Pascaline Vallée, avril 2020

Credits _jeanne_dark_

conception, texte et mise en scène  Marion Siéfert

collaboration artistique, chorégraphie et performance  Helena de Laurens

collaboration artistique  Matthieu Bareyre

conception scénographie  Nadia Lauro

lumière  Manon Lauriol

son  Johannes Van Bebber

vidéo  Antoine Briot

costumes  Valentine Solé

maquillage  Pauline Pellegri

régie Générale  Chloé Bouju

réalisation scénographie : Ateliers Nanterre-Amandiers : Marie Maresca, Ivan Assaël, Jérôme Chrétien

développement et accompagnement de Ziferte Productions Cécile Jeanson, Bureau Formart

photo  Nadia Lauro, Matthieu Bareyre

 

création Théatre de la Commune Aubervilliers – Festival d’Automne à Paris, 2020

 

production Ziferte Productions et La Commune – CDN d’Aubervilliers
coproduction Théâtre Olympia – Centre Dramatique National de Tours, Théâtre National de Bretagne – Rennes, La Rose des vents – scène nationale de Villeneuve d’Ascq, Festival d’Automne à Paris, CNDC Angers, L’Empreinte – scène nationale Brive-Tulle, Centre Dramatique National d’Orléans, TANDEM-scène nationale Arras-Douai, Le Maillon-Strasbourg, Vooruit-Gand, Théâtre Sorano – Toulouse
avec le soutien de POROSUS, Fonds de dotation
accueil en résidence T2G-CDN de Gennevilliers, La Ménagerie de verre dans le cadre du Studiolab
Marion Siéfert est artiste associée à La Commune centre dramatique national d’Aubervilliers, et accueillie pour ce projet au Théâtre Nouvelle Génération-CDN de Lyon dans le cadre du Vivier, dispositif de soutien à la recherche scénique et à l’émergence artistique.